Jusqu’à la Grande Guerre, Clermont a conservé l’aspect d’une ville pittoresque où les maisons s’accrochaient en étages à la côte avec, comme l’écrivait Victor Hugo en 1838, « son église au-dessus de sa tête ».
La reconstruction d’entre-deux guerres puis l’implantation de nombreux lotissements, de groupes scolaires, d’un complexe sportif, d’entreprises, etc. hors de l’enceinte du vieux Clermont ont gommé cet aspect, mais de cette époque il reste cinq escaliers qui relient le centre du bourg et la rue principale à l’église et la rue Casimir Bonjour. Ils sont aujourd’hui plus ou moins utilisés mais tous ont une histoire.
Clermont avant la guerre de Trente Ans
En 1530, Clermont, ville fortifiée importante, reconstruit une nouvelle église pour remplacer l’ancien édifice de style roman devenu trop petit. Cette église reste cependant difficile d’accès, n’étant desservie que par des chemins pentus avec quelques marches. Ainsi, en 1630, alors que la population est de 500 feux (environ 2 250 habitants), les paroissiens se plaignent toujours d’avoir à emprunter des chemins escarpés pour se rendre aux offices.
Ce n’est que le 24 novembre 1688, alors que la guerre de Trente Ans s’est achevée depuis 40 ans et après le siège de 1654 et le démantèlement de la forteresse, que le Corps Municipal décide enfin de construire des escaliers. La population, descendue après ces périodes de troubles à 120 feux en 1657, est remontée à 203 feux en 1666. Clermont est alors peu prospère et l’industrie est quasi inexistante : il n’y a qu’une tuilerie au Jarcq et une faïencerie rue des Granges. De plus, la ville est ravagée par les incendies. Les habitants fuient la misère qui y règne et de nombreux bourgeois renoncent à leur bourgeoisie dans les années 1670 pour échapper au logement des hommes en armes qui passent régulièrement par Clermont.
Les « Grands Degrés » et les « Petits Degrés »
Les Grands Degrés sont les premiers à être mis en place et les seuls représentés sur le plan de 1689 qui accompagne le mémoire de la démolition du château. Ils prennent leur naissance à l’emplacement actuel mais ne suivent pas l’ancien chemin d’accès qui menait en ligne droite à l’actuelle rue Casimir Bonjour. Il se peut que la ville ait profité, tout comme de nombreux habitants, de pierres de démolition du château et des habitations qu’il renfermait. Les Petits Degrés ont sans doute été construits très peu de temps après.
Sur le plan ci-dessus dressé en 1733, les Grands Degrés (1) et les Petits Degrés (2) sont les seuls représentés. Leur vocation principale est de faciliter l’accès à l’église Saint-Didier. (AD 55)
Les Grands Degrés, autrefois appelés familièrement « La Rue d’Alger », sont aujourd’hui les escaliers de Clermont les plus utilisés. Toutes les maisons qui bordaient cet escalier ont été incendiées le 5 septembre 1914 et après la guerre, une seule a été reconstruite.
On accède à l’entrée des Petits Degrés par un passage entre deux maisons de l’actuelle rue de la Libération. Les premières marches de cet escalier sont encore visibles, le reste disparaît sous la végétation. La partie basse débouche sur un palier ; elle est fermée par un portillon. Elle était autrefois bordée de maisons. Seule la partie haute qui mène à l’église reste fréquentée.
Les escaliers du "Bellevue"
On les surnomme ainsi car ils sont placés face à l’ancien Hôtel Bellevue, autrefois appelé Hôtel des Voyageurs. Ils ont été construits en 1836 en même temps que l’ancienne école de garçons ; les voûtes qui sont en-dessous étaient destinées à entreposer le matériel d’incendie de la commune. Une fois les 52 marches gravies, on arrive sur un palier où on rattrape la partie haute des Petits Degrés. On poursuit ensuite avec une montée de 55 marches vers la rue Casimir Bonjour et l’église Saint-Didier. Une montée éprouvante
La rampe d’accès taillée dans la côte, qui partait de la place derrière l’hôtel de ville pour rejoindre les Petits Degrés sur le palier en sa bifurcation, a été supprimée à la construction de l’école quand on a agrandi la cour de récréation. Après la Grande Guerre, comme les maisons de la place n’ont pas été reconstruites, une nouvelle rampe menant à l’église a été créée. On y accède par un petit escalier à proximité du monument aux morts.
L'escalier face à la rue de la Tuilerie
Ses 38 marches abruptes et de hauteur très inégale le rendent difficile à emprunter, voire dangereux. Il débouche sur un sentier doté encore de quelques marches. Celles-ci sont visibles sur la vue aérienne ci-dessous prise en 1915. La partie basse, sans doute détruite par l’écroulement des maisons incendiées en 1914, a été reconstruite en béton. Ce passage est lui aussi fort ancien mais il semble avoir été créé après le démantèlement de la forteresse. Il a sans doute été très utilisé autrefois, notamment par les ouvriers de la tuilerie du Jarcq qui pouvaient accéder directement à l’usine avant la construction de la ligne de chemin de fer.
L'escalier à chevaux
(Clermont en 1915. Coll. Hubert PHILIPPE)
Il tire son nom de l’ancien relais de la Poste aux chevaux situé de l’autre côté de la rue. Ce relais semble avoir été créé par ordre du roi sur délibération du 18 janvier 1669. Il a vu arriver Louis XVI par la Porte des Bois le 21 juin 1791 en soirée.
Le dernier Maître de Poste à Clermont était Jean Rémy Jules FAILLETTE. Il possédait la ferme mais aussi la grange derrière l’ancien hôtel-restaurant de la Croix d’Or où il logeait les chevaux. Son postillon empruntait régulièrement cet escalier en pente douce, autrefois trois à quatre fois plus large et fait de pavés, pour les mener à l’écurie. (Après la guerre, la ferme De la Cour-Faillette a été déplacée le long de la route qui mène à Neuvilly et a pris pour nom « Ferme de Chantecler ». Quant à l’ancien café-restaurant, une maison datée de 1603, la plus ancienne de Clermont qui faisait angle avec la rue Casimir Bonjour, elle a été démolie en 2010.