Comme c’est l’usage autrefois, le cimetière de Clermont est voisin de l’église. Cependant, les personnes les plus riches ont, moyennant finances, leur sépulture dans l’édifice, les places les plus proches du chœur étant les plus chères.
La tombe la plus ancienne, celle de Jean ERRARD (1440 – 1500), prévôt de Clermont, est retrouvée dans la crypte de l’ancienne église romane lors de la reconstruction de l’édifice après la Grande Guerre. Découverte par l’architecte Louis de la ROCHE qui en a dressé le poncif, la pierre tombale a malheureusement disparu.
(Photographie du poncif : archives de la bibliothèque diocésaine de Verdun)
À la construction de l’église Saint-Didier qui commence en 1530, le prévôt Claude de la VALLÉE fonde vers 1535 la chapelle des Morts et le prévôt Roger ERRARD celle de Saint-Roch vers 1548. Ces deux chapelles servent de sépulture à leurs familles. Les nombreuses pierres tombales qui garnissent le sol de l’église, très dégradées par la guerre, sont enlevées quand le pavage est refait. Plusieurs sont au nom des ANDROUINS, les maîtres-verriers de la Vallée de la Biesme qui ont offert les premières verrières. En 1776, Louis XVI promulgue un édit qui interdit les inhumations dans les églises pour cause de salubrité.
Les épidémies de choléra
Clermont ne connaît plus d’épidémies depuis la peste de 1636 qui décime près du quart des populations meusiennes. La ville organise cette année-là, à l’initiative du curé Didier le MOSLEUR, un pèlerinage à Benoite-Vaux pour implorer la Vierge. Clermont est touchée en août 1832 par une nouvelle épidémie, le choléra ; il va entraîner une surmortalité annuelle de la population de 50 % en se référant à la moyenne des cinq années précédentes. Ainsi, 19 personnes décèdent au mois d’août et le manque de place au cimetière commence à se faire sentir. La commune achète en 1835 un terrain au « Petit Château » dans le but d’y créer un nouveau cimetière mais les fonds manquent pour l’aménager. Ce n’est que le 5 février 1840 que le conseil municipal décide de son établissement, de faire élever un mur d’enceinte par un maçon du pays et de bonifier son chemin d’accès. Le mur de clôture achevé, le conseil municipal se réunit le 23 juillet 1846 et fixe les tarifs, charges et conditions des concessions. Les dispositions sont approuvées par le préfet dans son arrêté du 2 septembre 1846 et le cimetière est alors ouvert aux concessions. Officiellement cependant, car plusieurs inhumations ont vraisemblablement eu lieu bien avant date.
Le nouveau cimetière est donc ouvert quand arrive à Clermont en septembre 1849 une seconde vague de choléra bien plus mortifère que la précédente. C’est sans doute un marchand forain domicilié dans les Hautes-Alpes et de passage à Clermont qui amène la maladie. Il décède à l’hôtel le 11 septembre et 3 jours plus tard, c’est le docteur CAILLET qui l’avait soigné qui meurt de la maladie.
Alors qu’à Clermont la moyenne des décès au cours des cinq dernières années est de 30, il meurt 105 personnes en 1849, dont 78 entre le 11 septembre et le 21 octobre (52 décès entre le 11 et le 30 septembre).
La tombe du docteur CAILLET est la plus remarquable du cimetière de Clermont. Propriétée de la commune, elle est classée Monument Historique le 6 juin 1996. Elle se présente sous la forme d’un tombeau surmonté d’une croix autour de laquelle s’enroule un serpent parmi des rameaux feuillés ; le bâton et deux livres de médecine sont déposés au pied de la croix. Malheureusement, la tête du serpent et la coupe dans laquelle il crache son venin ont été victimes d’un acte de malveillance. Cet ornement symbolique qui évoque le caducée, volé en juillet 1997 puis restauré grâce à la collaboration de la Direction Régionale des Affaires Culturelles, a subi un second acte de vandalisme et mériterait d’être à nouveau restauré.
Clermont est une nouvelle fois touchée par une troisième épidémie de choléra avec 28 décès enregistrés à l’état civil au mois d’août 1854 (la moyenne annuelle des décès lors des cinq dernières années est de 30). Le cimetière continue encore à se remplir en 1870 pendant la guerre franco-prussienne avec les corps de 72 soldats (11 Français et 63 Allemands) décédés à l’hôpital d’étape allemand dirigé par le docteur FRÖLIEB. Le conseil municipal vote son agrandissement en 1877 et achète un terrain voisin le 28 septembre 1879 ; il est ouvert aux inhumations l’année suivante.
La guerre de 1914 – 1918
La Grande Guerre va une nouvelle fois être à l’origine de plusieurs agrandissements du cimetière. Clermont-en-Argonne est le théâtre de la Grande Retraite puis de la contre-attaque à la première bataille de la Marne, dans la première quinzaine de septembre 1914. L’État-major du Ve Corps d’Armée s’installe dans la ville, à quelques kilomètres de la ligne de front, à côté de l’ambulance 3/5 qui va accueillir de nombreux blessés. Ceux qui décèdent sont inhumés dans le cimetière civil. Au total, du 31 août au 4 janvier 1915, ce sont 199 militaires qui sont ensevelis. Les officiers sont en tombe individuelle, les soldats parfois à deux par tombe, tête-bêche.
Le maire de Vauquois Eugène POINSIGNON, tué le 5 septembre 1914, et l’aumônier volontaire Louis DUTHOIT, mort à Salvange (Rarécourt) le 14 mars 1916, sont également inhumés dans le vieux cimetière, ce dernier dans la concession que sœur GABRIELLE avait achetée. Il l’a beaucoup aidée à l’hôpital avant de tomber malade.
À partir du 5 janvier 1915, les soldats qui décèdent dans les ambulances de Clermont sont inhumés dans les terrains voisins du cimetière appartenant aux familles RIGAUT et DIDIOT. Le Génie achète les parcelles le 8 juillet 1915. À la fin de la Grande Guerre, le nombre de militaires inhumés dans le cimetière de Clermont est considérable ; on y trouve 953 Français, 6 Italiens, 5 Américains et 7 Allemands.
Après le conflit, selon l’instruction du ministre de la Guerre en date du 15 juin 1919, les exhumations, même en vue de réinhumation sur place, et les transports de corps de militaires sont formellement interdits dans le département de la Meuse. Il faut attendre le décret du 28 septembre 1920 qui fixe les conditions de la loi de Finances du 31 juillet 1920 pour que la veuve, les ascendants ou descendants du défunt « Mort pour la France » puissent formuler leurs demandes. Pourtant, une inhumation clandestine a lieu le 9 juillet 1919 dans le cimetière de Clermont, celle d’un commandant d’artillerie que sa veuve a fait revenir par convoi militaire.
Les familles qui le souhaitent vont pouvoir demander le transfert des corps des militaires décédés aux frais de l’État, mais dans sa circulaire en date du 9 octobre 1920, le préfet de la Meuse Pierre EMERY, tout en recommandant aux autorités de faire la plus grande publicité des dispositions de la loi, leur conseille de s’adresser aux familles et de les faire réfléchir pour savoir s’il ne serait pas mieux de laisser reposer leurs chers disparus sur le terrain des combats, au milieu de leurs frères de gloire. Les familles qui font transférer les corps des militaires renoncent à la sépulture perpétuelle, en cimetière militaire ou en nécropole nationale, entretenue aux frais de l’État. La première exhumation semble avoir eu lieu le 29 novembre 1920, mais c’est surtout en 1921 qu’elles se déroulent.
Une grande partie des corps des militaires inhumés à Clermont sont transférés à la Nécropole Nationale de Vauquois, aménagée en 1923. Dans le même temps, un carré militaire est créé dans le cimetière de Clermont où les corps de 54 soldats sont réinhumés les 28 et 29 mai, tous enterrés au début de la guerre dans le cimetière civil. Ce nombre est réduit à 51 après 3 transferts. Ce ne sont pas les seuls « Morts pour la France » enterrés dans le cimetière : le Souvenir Français entretient les tombes individuelles de 7 militaires ainsi que celle d’un aumônier volontaire. À ces 8 sépultures, il faut ajouter celles de 11 Clermontois dont les corps ont été transférés après la guerre.
Quand tous les corps des soldats inhumés dans le cimetière militaire sont transférés, la commune achète aux Domaines le 25 avril 1925 le terrain pour la somme de 500 F dans le but d’agrandir le cimetière civil. Elle avait demandé au préfet, vu la nature du terrain et de son ancienne destination, à être dispensée de fouilles géologiques.
Quelques tombes remarquables ou dignes d’intérêt qu’il convient de protéger
Le cimetière de Clermont ne date que du milieu de XIXe siècle et ne comporte qu’une seule tombe classée Monument historique, celle du docteur CAILLET, mais il renferme d’autres tombes dignes d’intérêt.
La tombe du colonel d’artillerie Louis DELAVIGNE.
Il est né à Clermont-en-Argonne le 7 juin 1779, issu d’une vieille famille clermontoise. Son père est avocat en parlement.
Élève à Polytechnique, promotion 1798, il est nommé à sa sortie sous-lieutenant à l’école du Génie de Metz le 27 février 1802. Lieutenant le 10 janvier 1803, il combat dans la Grande Armée de Napoléon 1er et participe aux batailles d’Iéna (1806), d’Eylau et au siège de Dantzig (1807). Capitaine du Génie le 10 juillet 1807, Louis DELAVIGNE combat dans l’armée de Catalogne puis dans celle de Hollande. Il revient dans la Grande Armée en 1812 et participe à la prise de Smolensk et aux batailles de la Moskova et de la Bérézina. Il est fait chevalier de la Légion d’honneur le 2 septembre 1812. Promu chef de Bataillon le 14 mai 1813, il est à l’État major du Génie pendant la campagne de Saxe et participe à la défense de la place de Wittenberg en 1813. Fait prisonnier, il part en captivité en Prusse de fin 1813 à début 1814. Libéré, il revient en France en août 1814 et il est élevé au grade d’Officier de l’Ordre royal de la Légion d’honneur le 15 octobre 1814. Il part ensuite défendre la place de Mézières, placée sous les ordres du général LEMOINE, qui capitule le 3 septembre 1815.
Nommé plus tard directeur des fortifications, le colonel Louis DELAVIGNE, chevalier de l’Ordre de Saint-Louis, prend sa retraite et s’établit à Verdun où il décède le 7 janvier 1845. La plaque sur son monument rappelle qu’il compte 41 années de service actif et qu’il a participé à 12 campagnes de la Grande Armée. Sa tombe a été reprise par le Souvenir Français qui en assure l’entretien.
La tombe de sœur GABRIELLE
Héroïne clermontoise de la Grande Guerre, Chevalier de la Légion d’honneur, Croix de guerre avec 2 palmes, Marie Rosnet, en religion sœur Gabrielle, fait partie de ces personnages qui ont laissé leur nom dans l’Histoire de la Première Guerre mondiale et de la France.
Voir sa fiche dans la rubrique « Personnages célèbres ».
La tombe a été reprise par le Souvenir Français.
La tombe LEFEBVRE – POUPART
Ce monument funéraire se remarque par sa forme mais aussi par le texte qui l’accompagne. Cette tombe fait partie des plus anciennes, mais elle a sans doute été transférée de l’ancien cimetière, comme en témoigne la première date de décès indiquée, 1827.
Marie-Louise POUPART, née le 11 août 1769 à Rarécourt, est la fille de Charles Joseph POUPART, ancien maire de cette commune. À la vente aux enchères publiques des biens nationaux du 26 janvier 1791, ce dernier a acquis pour la somme de 46 700 livres le prieuré de Beauchamp, confisqué par la Révolution française en vertu du décret du 2 novembre 1789. (46 700 livres de 1791 = 484 000 € de 2023). Les descendants de Charles POUPART sont encore aujourd’hui propriétaires de l’ancien prieuré fondé en 1217 par le comte Henri II de Bar.
Les monuments funéraires, une valeur patrimoniale certaine
Le cimetière de Clermont possède quelques monuments anciens en bon état qui se distinguent par leur qualité artistique, le texte qui les accompagne parfois, la renommée de la personne qui a été inhumée ici, son dévouement pour la commune. Aussi, il appartient à la municipalité de les protéger quand les tombes sont tombées en déshérence. Ces monuments, qu’ils soient anciens ou parfois plus récents, font partie de notre patrimoine et contribuent à orner le cimetière.