Clermont-en-Argonne avant la Grande Guerre

Avec ses maisons accrochées au pied du plateau de Sainte-Anne et son église Saint-Didier qui les domine, Clermont est un site pittoresque très renommé des touristes qui viennent chercher l’air pur de l’Argonne.

Au recensement de 1911, Clermont et ses écarts comptent 1 066 habitants, dont 132 à Vraincourt. La population est en baisse depuis plusieurs dizaines d’années, comme partout dans le département de la Meuse.

Le conseil municipal

Il se compose de 12 membres et les dernières élections ont lieu le 5 mai 1912. M. Paul LABROSSE, vice-président du tribunal de Nancy, est réélu maire. Il meurt subitement le 21 octobre 1913 et c’est M. Emile MATHIEU qui est élu.

Les professions

L’annuaire de la Meuse de 1914 montre la diversité des petits métiers exercés dans la commune, mais aussi le peu d’industries.

Il n’y a en effet qu’une tuilerie, reprise par M. LANCELOT en 1911 et qui semble avoir continué à utiliser les moules de BROUETTE-VESSELY, ses prédécesseurs depuis 1878. L’entreprise, installée à l’emplacement de l’actuel complexe sportif, le stade Henri DITTE, produit des tuiles, briques, pavés et tuyaux.

L’exploitation de la forêt et l’agriculture qui se modernise avec l’apparition des premières moissonneuses-lieuses occupent une part importante de l’économie locale. Clermont accueille d’ailleurs le 14/09/1913 au Champ de Foire une importante foire agricole.

Avec l’arrivée des grandes succursales, les Docks Rémois (Le Familistère) vers 1893, les Comptoirs Français en 1903 et le Goulet-Turpin en 1910, les petites épiceries ont presque toutes disparu. Il y en avait 9, il en reste 2 avant la guerre.

Les services

Comme chef-lieu de canton, Clermont possède près du Vieux Puits une recette des Postes avec stations télégraphique et téléphonique. L’administration financière est entre les mains d’un receveur municipal percepteur et d’un receveur des contributions indirectes. La ville a sa justice de paix avec un juge, deux suppléants et un greffier ainsi qu’une gendarmerie à cheval.

Les moyens de transport

Les Clermontois ont deux gares à leur disposition : la Gare de l’Est – le premier train sur la ligne 5 à écartement normal de 1,435 m circule le 4 avril 1870 entre Sainte-Ménehould et Verdun – et la Gare Meusienne sur la ligne à voie métrique Rembercourt-aux-Pots – Clermont, concédée à Charles VARINOT et mise en exploitation le 28 mai 1887.

L'alimentation en eau

En raison de la mauvaise qualité des eaux potables et de leurs ressources insuffisantes, le conseil municipal approuve dans ses grandes lignes un projet d’adduction d’eau le 12/03/1898. Il envisage l’acquisition de la source la Fauvarde à Auzéville et charge le service des Ponts et Chaussées des études et de la rédaction du projet définitif.

Celui-ci est adopté le 13/11/1898. Il prévoit la construction d’une usine hydraulique à Vraincourt où sera amenée l’eau potable de la source ; l’utilisation de la force motrice de la rivière pour actionner deux turbines reliées à des pompes élévatoires la refoulera dans un réservoir construit face au cimetière à Clermont. Douze bornes fontaines seront installées dans la ville et autant de bouches d’incendie ; Vraincourt sera également équipé d’un réservoir et de deux bornes fontaines. Les habitants pourront bénéficier de concessions particulières.

La commune achète la Fauvarde à M. LABELLE le 23/11/1899 et les terrains à Vraincourt le mois suivant. L’adjudication des travaux a lieu le 08/03/1900 ; ces derniers sont terminés en 1902.

L'électricité

Clermont était autrefois éclairée avec des lampes à pétrole. À l’usine hydraulique, les ingénieurs avaient envisagé la pose d’une dynamo de 8 000 W couplée à l’arbre des turbines pour éclairer la nuit Clermont et Vraincourt à l’aide d’une cinquantaine de lampes de 16 bougies (1 bougie = 55 Watts de puissance consommée), mais le projet a été abandonné par le conseil municipal le 23/12/1899. Les élus se tournent vers l’usine électrique de Courcelles-lès-Aubréville de M. GAUDRON et signent un premier contrat le 18/05/1905. Celui-ci sera plusieurs fois renouvelé tous les 5 ans.

Les écoles

À la suite des lois Jules FERRY, le conseil municipal décide le 19/05/1882 la construction d’un groupe scolaire complet avec les logements des enseignants dans le bâtiment central. Comme c’était l’usage autrefois, les enfants seront séparés : à gauche, les garçons et à droite,  les filles.

Le choix du terrain, une partie des jardins achetés à l’hospice, va soulever l’opposition d’un groupe d’habitants qui déposent une pétition mais leurs arguments – éloignement par rapport au secteur le plus populeux de la ville, proximité du ruisseau aux odeurs nauséabondes, etc. – seront écartés. Les travaux sont adjugés le 30/05/1885 à M. POISSONNIER à Longeville. L’ancienne école des filles est vendue aux enchères le 12/07/1885 à M. BROUETTE et celle des garçons, qui n’avait plusieurs fois pas trouvé preneur, est cédée de gré à gré le 22/05/1888 à M. LEBONDIDIER. Les nouveaux propriétaires n’entrent en possession de leurs biens que le 15/10/1888, après l’entrée des enfants dans le nouveau groupe scolaire.

À la rentrée de 1913, l’école publique de Clermont compte 2 classes de garçons et 2 classes de filles. De plus, une école primaire privée de filles, l’école Sainte-Anne, s’est rouverte rue Casimir Bonjour le 03/10/1913, 10 années après sa fermeture par la loi Combes.

Les hôtels

Bien située sur la route de Châlons à Metz, la ville accueille bon nombre de voyageurs et de touristes. Deux hôtels importants sont implantés sur la route principale : l’hôtel des Voyageurs « À Belle Vue » et l’hôtel de la Pomme d’Or. Ils offrent les mêmes services avec le téléphone, des écuries et remises pour les voitures hippomobiles et des garages pour les automobiles.

L'hospice

Clermont guerre 14

Il est fondé en 1865 grâce au legs de Mlle Marie HUMBERT (08/06/1792 – 28/04/1862, Clermont-en-Argonne). Dans son testament du 30/07/1856, elle lègue sa maison et une somme considérable pour la fondation et le fonctionnement d’un hospice qui portera le nom d’Hospice Sainte-Marie en mémoire de son frère Marie Christophe Liberté.

Clermont guerre 15

La commission administrative, considérant que la maison de la donatrice n’est pas assez vaste pour aménager un hospice-hôpital, décide d’acheter avec une petite partie de cette somme les bâtiments voisins de l’ancienne faïencerie MOUËT. Les travaux d’appropriation des deux maisons sont adjugés le 14/07/1864 à M. FOURNIER, entrepreneur à Apremont-sur-Aire, et la 1re pensionnaire est admise à l’hospice une année plus tard. Un traité est signé avec les sœurs de Saint-Vincent de Paul le 22/10/1866. La chapelle, construite sur l’ancienne écurie de Marie HUMBERT, est bénite le 30/10/1866 par Mgr ROSSAT, évêque de Verdun.

Le nombre de pensionnaires allant en augmentant, M. LABROSSE, alors membre du conseil municipal, obtient une large subvention du Pari Mutuel qui permet la construction en 1904 du bâtiment dans la rue Neuve (aujourd’hui rue Gaston LELORAIN). Pour marquer sa gratitude envers son maire qui vient de décéder, la commission administrative de l’hospice fait apposer une plaque portant l’inscription « Pavillon LABROSSE 1904 ».

À l’entrée des Allemands dans la ville le 5/09/1914, sœur Gabrielle, la supérieure de l’hospice qui va devenir dans quelques jours une héroïne nationale, et ses 3 jeunes sœurs s’occupent de 42 vieillards et infirmes. [voir en rubrique Personnages célèbres « Sœur Gabrielle »]

Les fêtes

La fête patronale n’a pas lieu le 23 mai, jour de la Saint-Didier, mais le 29 août, date anniversaire de la translation en 1649 de la relique de l’évêque martyr de Langres.

Le pèlerinage de Sainte-Anne le 26 juillet. Interrompu plusieurs fois depuis la période révolutionnaire, il avait repris en 1875. L’antique statue de Sainte-Anne (disparue dans l’incendie de l’église le 05/09/1914) est sortie devant le vieux tilleul planté en 1669 et la messe est dite en plein air le matin devant la chapelle, suivie des vêpres l’après-midi. C’est la comtesse de Bar Yolande de Flandres, sans doute repentante de ses méfaits passés, qui a fondé le 7 juillet 1394 à la fin de sa vie en l’église Notre-Dame du château de Clermont une chapelle expiatoire dédiée à Sainte-Anne.

La Fête-Dieu. Elle est accompagnée d’une procession publique qui s’arrête à des reposoirs dressés dans la ville, comme ici devant l’hospice Sainte-Marie.

La fête du lundi de la Pentecôte a perdu son caractère religieux ; la foire ancienne du 24 juin a été déplacée définitivement en 1906 au lundi de la Pentecôte et elle est devenue une belle fête champêtre sur le Plateau de Sainte-Anne avec ses attractions, ses manèges, son bal. Elle attire une foule considérable ; un train spécial en direction de Sainte-Ménehould avec arrêt aux Islettes est même mis en marche après minuit.