Clermont avant l'arrivée des Allemands
Alors que la France, menacée d’encerclement, obtient satisfaction quand le prince Léopold von Hohenzollern-Sigmaringen, cousin éloigné du roi de Prusse Guillaume 1er, renonce au trône d’Espagne, Napoléon III tombe dans le piège tendu par Otto von Bismarck, ministre-président du royaume de Prusse. Ce dernier, sûr de la supériorité des armées allemandes, falsifie la lettre royale et la « dépêche d’Ems » qu’il rédige choque le gouvernement français et enflamme l’opinion publique si bien que la France, sans alliés, déclare le 19 juillet 1870 la guerre à la Prusse, rejointe par les 21 états de la confédération d’Allemagne du Nord. Fin juillet, Napoléon III va aligner dans l’est à peine 300 000 hommes, et ceci dans la plus grande improvisation, alors que Bismarck mobilise 500 000 soldats.
Clermont en 1870. On remarquera ce qui pourrait être un poste d’observation à l’angle du jardin du presbytère – il était en place lors du siège de la forteresse en 1654 – ainsi que la guérite.
Les arbres défeuillés laissent penser que la photographie pourrait avoir été prise à la sortie de l’hiver 1870 car on ne voit aucun soldat allemand. Dans ce cas, la guérite serait alors celle de la garde nationale.
Le 21 juillet, le maire de Clermont Jean-Louis Mouët est avisé que le Génie va faire charger les fourneaux de mines prévus au pont de Vraincourt et qu’il doit mettre à disposition les matériaux et les hommes nécessaires pour en opérer le bourrage. Une quête patriotique est faite pour les futurs soldats blessés et à partir du 25 a lieu le départ des soldats de la réserve. Ceux de Clermont et du canton qui sont dirigés sur Verdun, où plus de 1 000 réservistes battent le pavé depuis trois jours, y restent sans feuille de route, sans billet de logement et sans recevoir la solde nécessaire pour rejoindre leurs corps car les bataillons de guerre sont déjà en marche. Le 22 juillet, le maire réquisitionne des voitures à deux chevaux pour former le service auxiliaire du train destiné à rejoindre l’armée de Metz. Le dimanche 26 juillet, jour de la fête de Sainte-Anne, la population de Clermont, aux cris répétés de « Vive l’Empereur » et aux sons entraînants de la fanfare, conduit à la gare les mobiles du canton qui partent par le train tenir garnison à Montmédy. Comme pour l’appel des hommes de la réserve, l’incurie de l’Intendance se fait une nouvelle fois sentir à Verdun à l’arrivée de ceux de la garde mobile : ils restent pendant 10 jours sans vêtements militaires, sans armes et sans nourriture. L’Intendance refuse même de les loger dans les casernes vides pendant 4 jours.
Dès le début du mois d’août, les Clermontois apprennent les défaites de l’armée française en Alsace : celle du 4 août à Wissembourg où la division du général Douay, tué au cours de la bataille, est écrasée par des forces dix fois supérieures en nombre ; celle du général Frossart à Forbach le 6 août et, le même jour, la victoire du prince royal de Prusse sur le maréchal Mac Mahon à Woerth. Le 11 août a lieu à Clermont une nouvelle quête patriotique. Au café Regnauld, un habitant de la commune, Nicolas Léonard, raconte le désastre de la bataille de Forbach à laquelle il a assisté. Il était chez son frère Christophe, établi dans cette ville, et il avait pu s’en échapper avec peine. L’heure n’est plus à l’euphorie, les citoyens sont inquiets.
Le 13 août, le dernier train régulier de Paris à Metz passe à Clermont et le 16 août, jour des batailles de Mars-la-Tour et de Saint-Privat, Napoléon III, qui a laissé le commandement de l’armée du Rhin au maréchal Bazaine, passe accompagné de son fils en gare de Clermont pour rejoindre le camp de Châlons. Il voyage, ainsi que ses officiers, dans un wagon de troisième classe ; la garde de l’empereur, « les cent-gardes », s’entasse dans des fourgons. Ce passage précipité de Napoléon III, pourtant salué de cris nourris « Vive l’Empereur », augmente l’inquiétude des habitants qui commencent à perdre confiance. Le 17, entre minuit et 1 heure du matin, l’escorte qui avait accompagné l’empereur de Metz à Verdun traverse Clermont en silence. Commandée par le général Margueritte, elle est composée de deux régiments de chasseurs d’Afrique et des 1er et 3e escadrons des gardes. Vers 4 heures, c’est au tour du 1er bataillon de grenadiers de la garde de traverser Clermont en silence pour se rendre également à Châlons.
Dès le 18 août, on signale des cavaliers allemands à Regret et le lendemain, des Uhlans prussiens coupent la ligne de chemin de fer et la ligne télégraphique entre Blercourt et Nixéville. Ce même jour, on établit une ambulance à l’hospice Sainte-Marie et le habitants aisés sont requis pour fournir ce qui est nécessaire pour équiper les lits des blessés attendus.
Dans l’attente de l’arrivée de l’armée de Bazaine, des vivres considérables avaient été stockés à Verdun, et comme elle s’est repliée sur Metz où elle a été encerclée, un immense convoi quitte la ville pour se rendre au camp de Châlons. La tête de colonne arrive à Clermont le 20 août vers 21 heures et le convoi défile toute la nuit jusqu’au lendemain vers 7 heures. Escorté par des fantassins, des chasseurs et des gardes mobiles, il est composé de 474 voitures chargées de vivres et de munitions et de 2 500 bêtes à cornes destinées à l’armée de Mac Mahon. Pour éviter les encombrements et les accidents dans Clermont, toutes les maisons de la rue principale doivent être éclairées.
Les Allemands entrent dans Clermont
Deux armées allemandes entrent en Meuse au milieu du mois d’août : la IIIe armée, commandée par le roi de Prusse Guillaume-Frédéric, arrive par le sud et pénètre sans combattre dans Bar-le-Duc le 18 août ; la IVe armée, confiée au prince Albert de Saxe, arrive par le nord et doit assiéger et prendre Verdun.
Dès le 23 août, des cavaliers éclaireurs de l’avant-garde du XIIe corps de l’armée prusienne sont aperçus dans l’après-midi du haut de Sainte-Anne ; ils sillonnent la plaine entre les routes de Parois et de Brabant. Le 24, alors que Verdun est attaquée, un officier de Uhlans escorté de 4 soldats entre dans Clermont revolver à la main. Un des Uhlans connaissait bien Clermont et ses habitants : ouvrier terrassier, il avait travaillé à la ligne de chemin de fer à la gare.
Le matin du 25 août à 7 heures, on voit depuis le plateau le camp d’artillerie et du train établi entre les routes de Parois et de Brabant. Le camp de l’infanterie est établi entre Vraincourt et Auzéville, sur le revers du coteau qui domine l’Aire. Vers 8 heures, deux détachements de cavalerie commandés par deux officiers, l’un de lanciers et l’autre de dragons saxons, pénètrent dans Clermont et s’arrêtent sur la place. Tandis que l’officier de dragons entre au café Regnaud, l’officier du 1er régiment de lanciers saxons, le baron de Gruben, entre à l’Hôtel de ville. Il fait appeler le maire M. Mouët et lui fait la liste de toutes les réquisitions qui doivent être fournies pour midi. Comme les troupes s’emparent au fur et à mesure de l’approvisionnement réquisitionné, celui-ci n’est pas livré à temps et le maire est arrêté et menacé d’être fusillé. Conduit sur le lieu de l’exécution à 14 heures, il parvient à s’échapper et c’est le secrétaire de mairie M. Gillet qui est pris en otage et rendu responsable des réquisitions. Ce 25 août, une brigade de 6 000 hommes avec 3 500 chevaux arrive à Clermont et le lendemain dès 9 heures, le XIIe corps saxon occupe la ville où il défile au son des tambours. Le prince de Saxe, arrivé à 11 heures, loge chez M. Godfrin. La kommandantur saxonne et l’imprimerie de l’État-major général prennent possession de la salle de la justice de paix à l’Hôtel de ville et on installe le télégraphe au secrétariat. Des sentinelles sont placées aux portes des boulangeries et des boucheries qui sont forcées de cuire du pain et d’abattre des bêtes pour l’armée ennemie. Les habitants ne peuvent avoir ni pain ni viande.
Le 26 août, le roi de Prusse Guillaume Ier et son État-major ont appris par la presse le 23 que l’armée de Mac-Mahon stationnée à Châlons allait secourir Bazaine assiégé dans Metz en passant par le nord-est. Ils quittent Bar-le-Duc et arrivent à Clermont vers 19 heures. Les habitants ont dû auparavant déposer toutes les armes à la mairie. (Archives départementales de la Meuse ; liste numérique des armes déposées)
Le roi de Prusse est logé chez Faillette, tout près de l’hôtel des Voyageurs, Moltke et son État-major chez Magisson et le prince Frédéric chez le pâtissier Gand. De l’autre côté de la rue, Bismarck et sa suite occupent l’école. (Voir en rubrique Patrimoine « La maison de Bismarck »). A cette époque, les États-Unis sont favorables à l’Allemagne et le président Grant a envoyé le général Philip Sheridan comme observateur de la guerre ; ce dernier écrit dans ses mémoires qu’il a eu la chance d’être logé chez le pharmacien (Jean Pierre Hyppolite Grignon) qui a vécu plusieurs années dans son pays et qu’il a été fort bien accueilli. Le soir vers 21h 30, c’est le gouverneur de l’Alsace-Lorraine von Bonin qui rejoint la ville. Durant cette journée, un convoi de soldats français faits prisonniers à Passavant arrive à Clermont. Plusieurs d’entre-eux, grièvement blessés, sont emmenés à l’hôpital.
Profitant de quelques instants de répit pendant que Bismarck étudie les déplacements de l’armée de Mac-Mahon que les éclaireurs observent, Heinrich Abeken, conseiller attaché à son service, Moritz Busch, son secrétaire particulier et le scripteur Willisch en profitent pour découvrir Clermont. Ils visitent l’église Saint-Didier dans laquelle des soldats hessois campent sur la paille et le 27, ils montent au plateau de Sainte-Anne où un groupe de soldats du bataillon de chasseurs de Freyberg dînent sous le grand tilleul ; ils vont admirer le panorama qui s’offre à leurs yeux à l’extrémité de la Grande Allée.
Le 28 août, l’armée de Mac-Mahon, harcelée par l’ennemi et craignant de ne pas pouvoir atteindre Metz et voir sa retraite coupée, fait mouvement vers Mézières mais elle reçoit l’ordre de se remettre en marche vers Metz par l’éphémère ministre de la guerre le comte de Palikao dont le plan va s’avérer un échec complet. À Clermont, bien renseignés, Bismarck, Moltke et von Roon rejoignent Guillaume Ier chez Faillette ; au cours de la réunion, la décision est prise d’abandonner la direction de Sainte-Menehould pour partir le 29 à 10 heures en direction de Grandpré en passant par Varennes. Ce même jour, les officiers de l’État-major demandent les clés de la salle où sont déposées les armes confisquées le 26 et les volent malgré les protestations de la municipalité et l’engagement pris au nom du roi de ne jamais y toucher et de les rendre à leurs propriétaires quand la paix sera conclue.
Après la défaite de Beaumont le 30 août et le désastre de Sedan le 1er septembre, la guerre se poursuit mais Clermont, ville d’étapes, va devoir héberger de nombreux régiments de passage, vivre sous la menace et subir les réquisitions, les vols, les dégradations et parfois même la violence.
Clermont sous l'occupation
La nouvelle de la capitulation impériale est connue le 3 septembre à Clermont. Personne ne veut y croire. Deux jours plus tard, ce sont 4 000 prisonniers dont 160 officiers qui cantonnent aux alentours puis sont dirigés sur Bar-le-Duc. Plusieurs d’entre eux parviennent à s’échapper. L’un deux qui s’était caché dans la maison Lafournière a même l’audace, après avoir revêtu un costume civil, d’aller à la kommandantur demander un laissez-passer de voyageur qui lui est délivré. Du 6 au 9 septembre, de nombreux blessés, ramassés sur les champs de bataille de Beaumont et de Sedan, arrivent à l’hospice Sainte-Marie et dans les diverses ambulances établies dans la ville. Les épidémies de variole, de typhus et de dysenterie se déclarent et ajoutent de nombreuses victimes dans ces ambulances mais également parmi les Clermontois. Ainsi, en 1870, la ville enregistre 84 décès de civils contre 30 à 40 habituellement. Quant aux militaires décédés depuis l’entrée en guerre à l’hôpital d’étape de l’armée allemande dirigé par le docteur Fröelieb, on en recense 71 : 11 français dont 6 meurent de maladie et 61 prussiens dont la cause de la mort n’est pas précisée. Après la guerre, la commune prend à sa charge l’entretien du carré militaire établi dans le cimetière civil qui contient les corps de 11 français et 63 allemands ; elle renonce à toute indemnité. Entre le 3 et le 25 septembre 1870, les menuisiers Michel Barrat et Guillemin Langlois fabriquent 58 cercueils mais aussi 13 sièges percés pour les officiers qui ne veulent pas utiliser les WC à la turque dans la cour de l’école et de la mairie.
Dès le 9 octobre, les Allemands mettent en place une administration militaire d’occupation dans laquelle le maire de Clermont M. Mouët est nommé sous-préfet ; l’ennemi avait oublié qu’il devait être fusillé et qu’il s’était enfui ! Les maires des communes du canton sont tenus d’exécuter ses ordres comme s’ils venaient de l’occupant. Le lendemain, le commandant de la garnison publie un nouvel arrêté : Adolphe Collot, docteur en médecine et premier adjoint, est nommé maire de Clermont ; Jules Faillette, conseiller municipal, remplace M. Collot au poste de 1er adjoint.
Parmi les circulaires émises par la kommandantur dans les premiers mois de l’occupation, certaines visent à renforcer la propreté de la ville (les bouchers par exemple n’ont plus le droit de tuer dans les rues) ou la tranquillité des malades et blessés dans les ambulances (verbalisation des maîtres qui laissent aboyer les chiens qui peuvent être abattus). Comme l’occupant a peur des attaques contre ses soldats, les Clermontois doivent sous peine d’amende éclairer les rues en laissant une lampe allumée derrière leurs fenêtres. La rentrée scolaire s’effectue le 10 octobre 1870 pour les filles à la salle d’asile mais celle des garçons est reportée car l’instituteur est malade de la dysenterie ; de plus l’école est occupée par une ambulance et les locaux manquent pour la transférer ailleurs.
Par proclamation du gouverneur général de Lorraine du 5 septembre 1870, les autorité allemandes ordonnent la rentrée des contributions directes et établissent une contribution générale pour remplacer les contributions indirectes. L’ensemble de celles-ci pour la ville de Clermont est fixé pour l’année 1870 à 54 905 F dont le douzième arrondi est de 4 574 F. Les deux premiers douzièmes (août et septembre) sont exigibles avant le 21 octobre et c’est le conseil municipal qui est chargé de procéder à la répartition ou de fournir des observations pour obtenir un délai, une remise ou une réduction de la contribution. Après en avoir délibéré le 20 octobre 1870, les élus demandent une remise des contributions en faisant observer que la commune qui ne compte que 1 130 habitants a dû supporter le passage de près de 400 000 hommes de troupe et loger plus de 50 000 soldats ; que Clermont héberge une garnison de 500 hommes à laquelle les habitants fournissent le logement, le feu, la lumière et les légumes ; que la ville, chef-lieu d’étapes, doit loger chaque jour des troupes de passage ; que de nombreuses ambulances avec leur personnel augmentent le chiffre de la garnison ; que de nombreuses fournitures sont données à l’occupant de gré ou de force sans réquisitions ; que l’espèce bovine est à peu près anéantie par la peste. Le conseil municipal fait remarquer que Clermont est tellement appauvri que le commandant d’étape lui-même a renoncé à y faire des réquisitions. Dans sa réponse du 27 octobre 1870, le préfet délégué de la Meuse Hergenhahn, tout en reconnaissant que Clermont a grandement supporté les charges de guerre, ne peut accueillir favorablement la requête des élus mais leur conseille de recourir à l’emprunt. Clermont n’a pas été en mesure de payer la contribution demandée pour les deux premiers mois et une somme de 3 505,40 F a été reportée sur celle d’octobre et novembre fixée à 9 152 F. Durant l’occupation, la commune a été obligée plusieurs fois d’emprunter auprès d’habitants après avis du conseil municipal et des personnes les plus imposées ; elle a aussi dû augmenter les centimes additionnels pour couvrir les intérêts des emprunts.
Les pertes pour la commune et les particuliers sont énormes. Ainsi, dans l’état adressé au préfet le 18 avril 1871, la valeur des objets enlevés sans réquisition et qui ne donneront donc droit à aucune indemnisation est estimée à 156 158,44 F. Les 358 têtes de bétail perdues en raison de la peste bovine amenée par les troupeaux allemands sont comprises dans cette somme pour 73 145 F. (Les pertes de guerre pour le canton sont chiffrées officiellement à la fin de la guerre à 1 364 085 F). La commission départementale pour la fixation définitive des pertes causées par l’invasion a éliminé les 137 026 F correspondant au logement et à la nourriture des troupes car l’état présenté n’était pas nominatif, par contre, les 36 670 F correspondant aux pillages, vols et incendies ont été retenus. La même commission réunie le 20 juin 1874 a finalement alloué une somme de 30 810 F (20 040 F pour la caisse communale et 10 770 F pour les particuliers) à la suite de la fourniture d’états nominatifs. En règle générale, les communes meusiennes ont été indemnisées au 1/3 environ de leur préjudice.
Les habitants de Clermont ont vécu résignés aux côtés de l’occupant et les francs tireurs ne se sont pas manifestés dans la commune. Le seul incident connu est celui qui a opposé l’abbé Antoine Crèvecœur, le gardien de la chapelle Sainte-Anne âgé de 72 ans, en janvier 1871. Des soldats, sous prétexte de visiter l’édifice, entrent chez lui et l’un deux, par plaisanterie, glisse dans la chaufferette de sa bonne une paire de cartouches. L’explosion cause la frayeur de la servante et les soldats amusés font des plaisanteries déplacées. Le prêtre veut les mettre à la porte et devant leur résistance, il va chercher une vieille carabine hors d’usage et les met en joue. Les soldats le désarment, le dépouillent d’une partie de ses vêtements et l’attachent au gros tilleul où il est cinglé de coups de courroie de cuir. La servante effrayée prévient le secrétaire de mairie qui avertit à son tour la kommandantur. Traduits en conseil de guerre, les soldats sont condamnés à recevoir la schlague qui leur est appliquée dans la rue de l’hôpital. Le commandant a sans doute voulu donner un exemple.
L’achat de la maison de la veuve Noël par l’État est déclaré d’utilité publique et permet d’installer un casino pour la distraction des officiers allemands en 1873. Les soldats quant à eux vont pouvoir se distraire d’une autre façon : des champs de tir à 400 et 800 pas sont aménagés dans la prairie du Jarcq ainsi qu’un terrain de 14 ha 40 demandé par le major von Nordeck pour les grandes manœuvres.
Les autorités allemandes réclamaient depuis de nombreux mois un lieu pour l’exercice du culte protestant. Les élus n’avaient rien proposé mais avec l’arrivée d’une nouvelle garnison prévue le 10 novembre 1872, il y a urgence à fournir un local. Le projet d’aménager le grenier de l’ancien couvent des Annonciades appartenant à Desforges est jugé trop coûteux. La solution retenue dans un premier temps – l’église est menacée de réquisition par la force – est la chapelle de l’hospice Sainte-Marie qui est peu fréquentée. Elle est mise à disposition contre une indemnité locative qui vient augmenter le bien des pauvres. Elle sert pour la première fois de temple le 17 novembre 1872 mais les autorités allemandes la jugent trop petite et l’église paroissiale est réquisitionnée pour une première messe le 1er décembre. Au départ des garnisons qui se sont succédées, les frais occasionnés par les célébrations – mise à disposition de l’orgue et du souffleur, cierges, chandelles, table et tapis – sont pris en charge par les chefs de corps.
Adolphe Thiers, le « Libérateur du territoire », a su négocier avec l’Allemagne et mobiliser les ressources financières par des emprunts. Le paiement par anticipation début 1873 du dernier des 5 milliards d’indemnités de guerre amène la libération des derniers départements occupés. Clermont est la première ville meusienne à voir partir les troupes d’occupation. Sa libération, prévue le 8 juillet, semble avoir été avancée au 7 d’après une note de la sous-préfecture de Verdun adressée à l’officier d’intendance à Clermont. Le départ des Allemands s’est fait sans incidents. Trois soldats habitants de Clermont ont été tués au cours du conflit : Arthur Lapaille, né le 26/09/1847 à Clermont, décédé à l’hôpital militaire de Belfort (90) des suites d’une blessure par éclat d’obus ; Nicolas Hannequin, né le 01/05/1843 à Récicourt, décédé à l’hôpital militaire de Floing (08) des suites d’une blessure par balle ; Gabriel Goutant, né le 23/08/1845 à Clermont, lieutenant décédé à l’hôpital civil de Saint-Quentin (02) des suites d’une blessure par balle.
Après le mort d’Auguste Thiers le 3 septembre 1877, Mac Mahon contresigne le décret qui autorise Clermont-en-Argonne à renommer la rue de la Bouteille « Rue Thiers ».